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S’émerveiller et rendre grâce de tout ce que nous avons reçu

12 juin 2023 Repères chrétiens
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Le pape François dans Laudato Si nous invite à faire l’examen de nos relations aux biens pour les convertir en action de grâce. En effet, si nous existons, c’est d’abord parce que nous avons reçu la vie de nos parents et de Dieu, qui nous maintient dans l’être. Et depuis notre naissance, nous avons beaucoup reçu, quelles que puissent être nos souffrances éventuelles et les lacunes que nous pouvons ressentir.

Si nous sommes aujourd’hui entrepreneurs ou dirigeants, c’est aussi grâce à notre famille, notre éducation, les professeurs, les exemples dont nous avons bénéficié et qui ont fait grandir nos capacités et nos compétences.

Nos biens matériels ne sortent pas non plus de nulle part. Ou on nous les a donnés, ou nous les avons acquis grâce aux moyens auxquels nous avons pu avoir accès. Des portes nous ont été ouvertes, des aides matérielles nous ont été apportées, des conseils et des soutiens nous ont encouragés, des collaborations se sont nouées, etc. Nous avons ainsi pu développer nos richesses, avec des hauts et des bas éventuellement, aussi bien matériellement que spirituellement.

Tous ces biens ne sont nullement à mépriser, mais au contraire à valoriser et à reconnaître. L’attitude juste ne consiste pas à rejeter les biens, mais tout au contraire à s’émerveiller devant tout ce que nous recevons. Cela signifie savoir s’arrêter pour détailler, savourer, pénétrer chacun de ces biens. C’est aussi observer avec précision, s’intéresser aux petites choses, admirer ce qui est beau, savourer ce qui est bon. « Le fait d’être sereinement présent à chaque réalité, aussi petite soit-elle, nous ouvre beaucoup plus de possibilités de compréhension et d’épanouissement personnel ».1Ainsi, comme le dit si bien Pascal Ide, nous « passons du désir des biens à l’amour des choses ». Et nous entrons dans la gratitude.

Cependant, nous devons nous garder du piège du consumérisme que le pape François décrit comme le « désir désordonné de consommer plus qu’il n’est réellement nécessaire ». Celui qui agit ainsi passe d’un bien à l’autre et jette ceux qui ne lui sont plus utiles. Consommer est alors une recherche du plaisir qui comme tout plaisir ne dure pas et a sans cesse besoin de se renouveler. Plus profondément, la consommation est une réponse à un manque. En consommant, une personne affirme – tant vis-à-vis des autres que vis-à-vis d’elle-même – son statut social, sa valeur, ses capacités.2 La consommation devient alors une quête sans fin vécue de façon « compulsive ».

Dans le fond, le consumérisme méprise les biens3, ne s’y attache pas, ne leur reconnaît aucune valeur pour eux-mêmes. Notre attitude est au contraire celle de la gratitude qui s’émerveille d’avoir tant reçu et devient capable de remercier ?

Rendre grâce pour tout ce qui nous a été donné

« La gratitude est le secret de la vie. L’essentiel est de remercier pour tout. Celui qui a appris cela sait ce que vivre signifie. Il a pénétré le profond mystère de la vie ».4
Une multitude d’acteurs a contribué à nous transmettre les biens dont nous bénéficions aujourd’hui. Dieu le Créateur, toujours en action auprès de nous, nos parents, nos frères et sœurs, nos amis, professeurs, prêtres et religieux, collègues, supérieurs hiérarchiques, collaborateurs… Certains sont vivants, d’autres nous ont précédés… Quelques-uns sont proches et faciles à identifier, d’autres nous sont inconnus, lointains ou oubliés. Parfois nous n’avons même pas pris conscience de leur existence.

Tous ces dons, souvent gratuits, n’étaient pas des dus. Alors, comment ne pas être sensible à toutes ces personnes qui y ont contribué ? Comment ne pas être reconnaissant à l’égard de chacun d’eux ?5 Ceux que nous avons croisés comme ceux qui nous ont précédés, qui nous ont quittés ou que nous n’avons pas connus.

Regardons un peu plus loin : comment également ne pas prendre le temps de rendre grâce à Dieu de nous avoir donné toutes ces richesses et tous ces frères ? Dieu est la source de tout don… au travers des autres. 6Don de notre vie par nos parents, de notre éducation au travers de nos maîtres, de nos compétences au travers des managers qui nous ont formés… Sachons en rendre grâce et remercier tous ceux qui en ont été les agents, consciemment ou non.

La gratitude est la source de toutes les vertus.7
« La gratitude est non seulement la plus grande des vertus, elle est également la mère de toutes les autres » . En effet, elle nous conduit à reconnaître et à nous imprégner de ce qu’il y a de beau et de bon dans les choses et dans les personnes qui contribuent à notre vie. Et à travers eux à reconnaître Dieu qui nous aime. En vivant de façon directe et joyeuse ces grâces, elle nous prédispose, à notre tour, au bien.

Cet émerveillement, cette présence aux choses et aux autres demandent un entraînement, celui de nous débarrasser de nos habitudes trop ancrées et de nous laisser surprendre par ce que nous recevons et par ceux qui nous donnent, pour mieux leur rendre grâce.
Ils conduisent à un respect de ce qui nous est donné et le souci de tout remettre in fine à Dieu. Cette attitude spirituelle est une étape essentielle de la conversion écologique proposée dans Laudato si dans nos relations à Dieu, à nous-mêmes, aux autres, à la société et à notre environnement, c’est-à-dire à tout ce qui nous entoure, les biens matériels et immatériels.

 
  1.  Laudato si §123 
  2.  Alain Caillé, chercheur, relie le consumérisme à l’exacerbation du besoin de reconnaissance qui trouve lui-même sa racine dans la perte d’identité de nos contemporains. (Cf. https://www.revue-projet.com/articles/2018-12-caille-la-consommation-est-impulsee-par-notre-desir-de-reconnaissance/10105)
  3. « En un sens la société de consommation n’est pas l’attachement aux choses mais le détachement des choses » (Cf. https://www.revue-projet.com/articles/2018-12-chirat-nous-ne-sommes-pas-assez-materialistes/10102). Dans le consumérisme, l’objet de l’amour est second. Ce qui compte est la jouissance d’amour. « Combien d’amoureux croient être amoureux de l’aimé mais dans les faits ils sont seulement amoureux de l’état amoureux » 
  4.  Attribué à Albert Schweitzer 
  5.  La vertu de piété est cette gratitude envers tous ceux qui nous ont précédés. Elle est cette conviction d’être redevable sans jamais pouvoir rendre. Dans les temps anciens, elle fondait l’unité des familles et des citoyens. Elle était le ciment de la vie politique. D’où l’importance donnée au culte des morts et à la préservation des biens communs de la cité. 
  6. Cf. Dialogue avec Dieu de Sainte Catherine de Sienne 
  7.  Pour Pascal Ide, « Les bienfaits de la gratitude » (Cf. Chapitre 1 de son livre « Puissance de la gratitude, vers la vraie joie ») :
    • La gratitude fait partie des sentiments bienfaisants qui entraînent et développent d’autres sentiments comme la joie de recevoir un bienfait, l’amour de celui qui donne, la satisfaction générale vis-à-vis de la vie et donc vis-à-vis de l’action.
    • Elle augmente la capacité de créativité et d’attention comme de décision. (Capacité à trouver du sens et à s’engager).
    • Elle rend attentif aux petites choses de l’autre… ce qui est l’un des langages de l’amour.
    • Elle permet d’intégrer les difficultés et ainsi de mieux réagir.
    • Plus quelqu’un éprouve de la gratitude, plus il pense que ses interlocuteurs sont chaleureux.
    • La dépression n’est pas tant liée à l’accumulation de sentiment négatif que dans l’impossibilité d’accéder à une mémoire positive ouverte sur la gratitude. 



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