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"Que ceux qui usent du monde comme s’ils n’en usaient pas réellement" (1 Co 7, 29 et 31)

07 janvier 2021 Eclairages spirituels
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« Voici ce que je dis, mes frères : le temps se fait court ; désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’en avaient pas, […] ceux qui usent du monde comme s’ils n’en usaient pas réellement, car ce monde, tel qu’il est formé, passe » (1 Co 7, 29 et 31)

 

A l’aube de cette nouvelle année, l’envie est forte de s’y jeter, de s’y projeter à corps perdu, pour faire oublier celle qui vient de finir, rattraper le temps, redresser – enfin – la barre. Et à agir en toutes choses avec une passion que ne contraindront plus les si tristes, mais si nécessaires, gestes barrières.

 

Cette envie légitime pourrait dissimuler une tentation. La vision de la situation du chrétien dans le monde que l’apôtre livre dans ces paroles aux Corinthiens souffle effectivement un vent contraire. La syntaxe répétitive de Paul verse effectivement dans la contrariété, voire dans la contradiction : « comme si … ne pas ».  Nous invite-t-il à faire semblant d’être dans une autre condition que celle qui est la nôtre, réellement ? Et, du coup, à risquer l’hypocrisie de faire « comme si » ?

 

User du monde comme n’en usant pas. Ce « comme si » de départ est plutôt un « comme pas » désignant la condition spirituelle des chrétiens dans la perspective du salut. Salut déjà accompli en Christ, mais non encore réalisé. Regardant à Celui qui vient, les chrétiens sont conduits à vivre dans le détachement. Détachement de ceux qui sont dans le monde sans être du monde. Détachement qui n’est ni un isolement, ni un renoncement à agir, mais une manière particulière d’envisager les relations et l’action. L’exemple de la vie conjugale avancé par Paul n’est pas anodin, puisqu’il est le lieu d’un attachement total, d’un amour exclusif, unique et « pour la vie ». Il ne s’agit pas d’y renoncer, mais de le vivre « dans le Seigneur ». S’inspirant de ce passage, Jacques Ellul soulignait quant à lui le « déracinement » propre à la liberté chrétienne. Déracinement douloureux, mais fécond de ceux et celles qui se savent « citoyens des cieux » (Ph 3, 20).

 

Du fait de notre condition humaine, nous avons tous des intérêts à défendre. Nous avons tous quelque chose à réussir, aujourd’hui ou demain. Que ce soit un projet de vie personnel, un objectif entrepreneurial, ou même, plus subtilement, une ambition dans le champ de notre vie spirituelle.

 

La question nous est donc posée : saurons-nous habiter tout cela d’un détachement salutaire ? Car notre foi nous convainc que nous ne jouons pas notre salut en passant à l’action. Elle nous réclame en revanche de vivre à notre mesure, dans la condition qui est la nôtre, le salut scellé en Christ. Ayant reçu gratuitement, nous avons bien quelque chose à donner, en nous attachant avant tout à la plénitude à venir.

 

Julien N. PETIT, Pasteur, aumônier universitaire, conseiller spirituel de l’équipe G de Strasbourg




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