Presse et communication digitale
L’expérience des Missions Étrangères de Paris (les MEP)
Créées au XVIIèmes siècle, les Missions Étrangères de Paris sont nées pour contribuer à l’évangélisation de l’Asie. Encouragées par les différents papes, elles se sont fixées pour but d’œuvrer pour constituer un clergé autochtone capable de diffuser l’Évangile dans leur civilisation. À cette fin, elles proposent à ses missionnaires de s’immerger dans les cultures asiatiques en en maîtrisant, la langue, l’histoire et les traditions. Malgré les persécutions et de nombreux martyrs, les Missions Étrangères sont restées fidèles à leur intuition initiale qui peut se résumer par la devise suivante : ad extra qui invite à quitter radicalement sa culture d’origine, ad vitam qui rappelle la fidélité du missionnaire au pays auquel il est envoyé et ad gentes qui insiste sur la relation à instituer avec des peuples qui ignorent l’Évangile. Pour illustrer l’originalité profonde des MEP, voici un extrait des Instructions de 1659 qui précisent les lignes de force qui doivent guider les missionnaires :
« Ne mettez aucun zèle, n’avancez aucun argument pour convaincre ces peuples de changer leurs rites, leurs coutumes et leurs mœurs, à moins qu’elles ne soient évidemment contraires à la religion et à la morale. Quoi de plus absurde que de transporter chez les Chinois la France, l’Espagne, l’Italie ou quelque autre pays d’Europe ? N’introduisez pas chez eux nos pays, mais la foi, cette foi qui ne repousse ni ne blesse les rites ni les usages d’aucun peuple, pourvu qu’ils ne soient pas détestables, mais bien au contraire veut qu’on les garde et les protège. Il est pour ainsi dire inscrit dans la nature de tous les hommes d’estimer, d’aimer, de mettre au-dessus de tout au monde les proximité du Royaume sans avoir peur de semer avec prodigalité le bon grain de l’Évangile. Quant à la fécondité de notre travail, nous savons bien qu’elle est l’œuvre de l’Esprit Saint, lui qui est « le protagoniste de toute la mission ecclésiale » ...
Entrer en relation avec une personne dans le désir de nouer des liens d’amitié, c’est vivre aussi dans toute sa profondeur la préposition cum : “avec”. Nous nous ouvrons donc à l’autre non seulement pour lui donner le trésor de l’Évangile mais nous nous disposons à recevoir de lui un don que nous ne mesurerons pas au début. Ainsi en est-il de notre relation avec les non-chrétiens, particulièrement dans le dialogue interreligieux dont le Pape François a dit récemment qu’il nécessite une « véritable ouverture [qui] implique de se maintenir ferme sur ses propres convictions les plus profondes, avec une identité claire et joyeuse » et de rester « ouvert à celles de l’autre pour les comprendre » en « sachant bien que le dialogue peut être une source d’enrichissement pour chacun ».
Beaucoup de ceux qui vivent authentiquement cette rencontre reconnaissent que la nouveauté de Jésus leur a été révélée par le truchement de leurs amis non-chrétiens. D’autres encore se réjouissent d’avoir le privilège de connaître auprès des non-chrétiens une véritable “émulation de sainteté” qui les pousse à vivre l’Évangile avec plus
d’incandescence. Nous comprenons alors qu’une autre qualité nécessaire pour aller ad gentes est la vulnérabilité dont toute la vie du Christ, de la crèche au crucifiement, nous montre le chemin. Être vulnérables, c’est consentir à ne pas sortir indemne de toute rencontre qui transformera très profondément nos existences. Être vulnérables,
c’est se placer en situation de recevoir de l’autre, comme le Christ qui, “fatigué par la marche”, s’assit sur la margelle du puits et demanda à la femme de Samarie : « Donne-moi à boire » (Jn 4, 7). Cette vulnérabilité, sésame de toute rentraditions de leur pays, et ce pays lui-même. »
Voici aussi un extrait du message de l’Assemblée Générale des MEP de 2016 qui éclaire notre thème de réflexion : « Le troisième terme ad gentes de notre devise prend une force considérable dans l’immense continent asiatique où plus de 90 % de la population est composée de non-chrétiens qui n’ont jamais ou guère entendu parler du Christ.
Pour nous, aux Missions Étrangères, ces personnes sont les « autres brebis qui ne sont pas de l’enclos » (Jn 16, 10) et que « l’amour du Christ nous presse » à rejoindre (2 Co 5, 14)... C’est ici précisément que l’ad gentes joue le rôle d’un véritable aiguillon pour chacun d’entre nous et
pour les Églises que nous servons car, tout en étant sortis ad extra et ayant commencé le long chemin d’un ad vitam avec les peuples auxquels nous sommes consacrés, nous serons toujours soumis à la tentation de nous attiédir en nous installant dans le confort de l’entre-soi chrétien... Souvenons-nous encore que la déclaration conciliaire
Ad gentes, reprise par nos Constitutions, affirme que la première des œuvres missionnaires est « la proclamation de l’Évangile et un témoignage de vie chrétienne parmi les non-chrétiens ». Bien souvent, dans de multiples déclarations, le Pape François a cité une parole de son prédécesseur Benoît XVI : « L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais “par attraction” » (La joie de l’Évangile n. 14). Il nous rappelle ici que notre première tâche auprès des non-chrétiens est de leur témoigner de l’amour de Jésus et de la contre véritable, est facilitée par la liberté que nous procure notre condition d’étranger : liberté de traverser les « barrières qui séparent » (Ep 2, 14) et les murailles d’ignorance mutuelle entre les chrétiens et les non-chrétiens.
D’autre part, notre réflexion, qui est toujours en chantier, a mis à jour une autre qualité essentielle à la mission ad gentes : la bienveillance. Littéralement, être bienveillant c’est tout à la fois “voir le bien” en l’autre et “vouloir le bien” pour lui. Évangéliquement, c’est “prononcer sur l’autre une bénédiction”. En étant bienveillants envers celui qui ne partage pas notre foi mais dont nous croyons qu’il est déjà mystérieusement attiré par le Christ, nous voulons être avec lui dans une attitude de Visitation à l’instar d’Élisabeth bénissant la Sainte Vierge (Lc 1, 42).
Enfin, nous rappelant les exhortations vigoureuses du Pape François, n’oublions pas que la lutte pour la justice et le respect de la dignité de tout homme, particulièrement des plus pauvres, est une composante essentielle de la mission ad gentes. La charité ne connaît pas de frontières religieuses et quand le Fils de l’homme aux mains percées « viendra dans sa gloire, escorté de tous ses anges » (Mt 25, 31), il ne nous jugera que sur l’amour en acte.
Source : Cahier des EDC La PSC pour tous les hommes de bonne volonté
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.