Presse et communication digitale

Partager sur :

Dans la Bible, le travail est une mission confiée à l’homme

18 juillet 2018 Repères chrétiens
Vue 5673 fois

Dès le récit de la création du monde, l’homme est chargé de la mission de remplir la terre et de la dominer (Gn 1, 28) ou de la cultiver et de la garder (Gn 2, 15). Dans le dessein de Dieu, cela correspond à la réalisation de la vocation de l’homme. Il ne s’agit évidemment pas d’un esclavage, ni d’une obligation sans fondement, mais d’une bénédiction, d’un bonheur à vivre.

Cet appel traverse toute l’Ecriture. Saint Paul lui-même nous montre l’exemple : « Vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. Nous n’avons pas vécu parmi vous de façon désordonnée ; et le pain que nous avons mangé, nous ne l’avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous. Bien sûr, nous avons le droit d’être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter. Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. »1

Dans les premiers temps du christianisme, la nécessité du travail pour l’épanouissement de l’homme, fût-il le plus pieux, est réaffirmée. Le moyen par lequel Dieu l’indique à saint Antoine l’Ermite, le premier moine, est d’une belle simplicité. « Le saint abbé Antoine, assis dans le désert, se trouva pris d’ennui et dans une grande obscurité de pensées ; il dit à Dieu : « Seigneur, je veux être sauvé, et les pensées ne me le permettent pas. Que ferai-je en ma tribulation ? Comment serai-je sauvé ? » Et peu après, s’étant levé pour sortir, Antoine vit quelqu’un qui lui ressemblait, assis et travaillant, puis se levant du travail et priant, et de nouveau assis et tressant la corde, puis de nouveau se levant pour la prière. C’était l’ange du Seigneur, envoyé pour la correction et la sécurité d’Antoine. Et il entendit l’ange qui disait : « Fais ainsi et tu seras sauvé ». D’avoir entendu cela, il eut grande joie et confiance, et agissant ainsi il était sauvé. »2.

Luther : étendre à l’exercice des professions la dignité spirituelle et religieuse qui était jusqu’alors reconnue à la vocation des prêtres et des moines.

Nous voyons bien dans ce récit que le travail est tout autant un moyen de sanctification qu’un moyen de vivre. C’est une des idées maîtresses des grandes règles monastiques : « Ora et labora ». Le travail a été fortement valorisé par les Réformes protestantes, et ceci dans un double souci : mettre tous les chrétiens sur le même plan et exalter la dignité des activités ordinaires. Luther (1483-1546) posera la pierre fondatrice de toute l’éthique protestante du travail au travers de son concept de Beruf (vocation). La particularité de la pensée luthérienne, à ce sujet, est d’étendre à l’exercice des professions (manuelles, artisanales, commerciales, techniques) la dignité spirituelle et religieuse qui était jusqu’alors reconnue à la vocation des prêtres et des moines. Pour Luther, le métier prendra de plus en plus d’importance. La vie monastique, à ses yeux, soustrait l’homme aux devoirs de ce monde, alors que l’accomplissement des devoirs professionnels dans le monde devient l’expression la plus directe de l’amour du prochain commandé par l’Évangile.

La hardiesse du concept luthérien fut non seulement de revêtir la vocation professionnelle d’une dignité religieuse égale à celle du ministère ecclésial traditionnel, mais aussi, dans le même élan, de lui reconnaître une forme d’indépendance vis-à-vis du clergé, de reconnaître que l’activité professionnelle se déploie dans une sphère qui lui est propre, dans laquelle l’Eglise n’a pas vocation à intervenir de façon directe et dans laquelle, en conséquence, l’énergie créatrice de l’artisan peut se déployer en toute liberté.3

Le travail cesse en quelque sorte d’être une activité profane pour être reconnu comme « vocation » divine, dès lors qu’il permet de s’entraider.

Le travail cesse en quelque sorte d’être une activité profane pour être reconnu comme « vocation » divine, dès lors qu’il permet de s’entraider. Assez vite pourtant, ce critère est compris dans les termes de l’utilité économique, ce qui entraîne parfois une exaltation excessive du travail. D’où l’importance, repérée par Max Weber, du travail dans les sociétés sécularisées marquées par l’esprit du protestantisme (organisation rationnelle du travail, recherche du profit pour le réinvestir, etc.).

Source : Cahier La dignité de l’homme au coeur de l’entreprise

 
  1. 2Th 3, 7-10 
  2. Apophtegme des pères du désert – Antoine 1 
  3. Certains auteurs parlent à ce propos de “désacralisation” du monde du travail (ou “sécularisation”, ou “laïcisation”, ou “désenchantement”). Mais aucune de ces expressions ne nous semble adéquate. Car l’idée selon laquelle le travail séculier n’aurait pas de lien avec la religion, ou serait autonome par rapport à elle, serait à l’opposé de ce que Luther a prêché ! Le boulanger luthérien, lorsqu’il pétrit son pain, est au contraire habité par la conviction qu’il est ministre de Dieu face à son pétrin, et qu’il glorifie Dieu au travers de ce service autant que le prêtre. 



2
J'aime

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.