7 Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira. 8 Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe, on ouvrira. 9 Quel est d’entre vous l’homme auquel son fils demandera du pain, et qui lui remettra une pierre ? 10 Ou encore, s’il lui demande un poisson, lui remettra-t-il un serpent ? 11 Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui l’en prient ! 12 Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites- le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes. (Mt 7, 7-12)
Telle est ce que l’on appelle conventionnellement la règle d’or : faire pour les autres ce que l’on aimerait pour soi.
Dans l’Évangile, chez Matthieu et Luc, la règle d’or trouve sa place dans le discours inaugural de Jésus sur la montagne (dans la plaine chez Luc) : «
Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes[1] » (Mt 7,12). La règle d’or est parfois comprise comme une « éthique de la réciprocité ». Mais dans la bouche de Jésus elle prend un sens beaucoup plus fort : elle est une invitation à la bienveillance qui est une forme d’imitation de Dieu lui-même (Lc 6,36). Le précepte évidemment ne s’applique pas à Dieu qui n’a besoin de rien ; il est pour les hommes comme un guide de bienveillance, de providence.
Saint Cyprien interprète la règle comme une formulation synthétique de l’enseignement de Jésus :
« Le Verbe de Dieu, le Seigneur Jésus étant venu pour tous les hommes, a résumé comme dans un admirable abrégé tous ses commandements dans ces paroles : "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux". C'est pour cela qu'il ajoute : "Car c'est la loi et les prophètes". En effet, tous les commandements de la loi et des prophètes disséminés dans les saintes Écritures, sont renfermés dans ce merveilleux abrégé comme les innombrables rameaux d'un arbre sont contenus dans une seule racine. Celui, en effet, qui pense à faire aux autres ce qu'il voudrait qu'on lui fît à lui-même s'applique à rendre le bien pour le mal, et le bien au centuple de ce qu'on lui fait[2]. »
L’interprétation du précepte évangélique est donc claire : la règle d’or conduit à faire le bien.
Il nous reste à confronter ce précepte à la formulation voisine dans les autres religions, en commençant par les religions monothéistes.
[3]
Toutes les religions ont une règle d’or, à commencer par les trois grandes religions monothéistes. Dans le Judaïsme, le précepte est formulé sous la forme d’un conseil de sagesse, que l’on trouve dans le livre de Tobit (Tb 4,5). Mais il existe aussi des échos dans le Talmud à propos du shabbat : un jour, un païen s’approche de Rabbi Shammaï et lui demande :
« Fais-moi prosélyte à condition que tu m’enseignes toute la tôrâ pendant que je me tiens sur un seul pied ! »
La chose est évidemment impossible car l’enseignement de la tôrâ demande des mois et des mois d’étude. Rabbi Shammaï, courroucé, renvoie donc le plaisantin qui va trouver Hillel. Celui-ci, plus rusé, lui répond :
« Ce qui t'est odieux, ne le fais pas à ton proche. Voilà toute la tôrâ ; le reste n’est qu’explication : va l’apprendre[4]. » Le défi est donc relevé, le païen est pris au mot, même si le fait de se tenir sur un seul pied reste de toutes façons inconfortable !
L’islam a aussi sa règle d’or, sous la forme de ce précepte :
« Aucun d’entre vous n’est véritable croyant tant qu’il n’aimera pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même[5]. » La formulation ici est un peu différente, car il n’est pas mentionné d’agir mais d’aimer ce qui arrive. On ne doit pas souhaiter par exemple qu’un malheur s’abatte sur son frère. La règle a rapport avec la providence divine plus qu’avec l’agir moral. D’autre part, il faudrait tenir compte de ce que signifie la notion de "frère". Il semblerait qu’à l’intérieur même de l’islam, plusieurs interprétations soient possibles
[6].
[1] La formulation chez Luc est parallèle :
« Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux pareillement » (Lc 6,31). Dans l’Ancien Testament, on trouve aussi une règle d’or, formulée de façon différente :
« Ce que tu n’aimes pas, ne le fais à personne. Ne bois pas de vin jusqu’à t’enivrer et que l’ivresse ne t’accompagne pas sur ton chemin » (Tb 4,15). Le précepte est formulé sous la forme d’une interdiction ; il s’agit de ne pas faire le mal, tandis que dans l’Évangile, le précepte est positif : il s’agit de faire le bien que l’on souhaiterait pour soi.
[2] Cyprien de Carthage (ca 200-248)
L'Oraison Dominicale cité par Thomas d’Aquin,
Catena aurea, n. 3712.
[3] Sur ce point consulter le passionnant travail de la commission théologique internationale
« A la recherche d’une éthique universelle. Nouveau regard sur la loi naturelle » § 12 à 17. Disponible sur le site du Vatican.
[4] Cf. Rabbi dr Isidore Epstein,
Hebrew-English ed. of the Babylonian Talmud, The Soncino Press, 1973, traité Shabbat, 31a; cf. aussi Joseph Bonsirven,
Textes rabbiniques des 2 premiers siècles chrétiens, p. 153.
[5] Cf.
Quarante Hadiths de An-Nawawi, éd. Maison d’Ennour, 2011, n. 13.
[6] Cf. Pierre Claverie,
Petite introduction à l’islam, Cerf, 2010.
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