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Législatives 2024 : les patrons ont-ils raison de prendre position ?

01 juillet 2024 Les EDC dans les médias
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Débat

  • Pierre Guillet Président des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC)
  • Michel Picon Président de l'Union des entreprises de proximité (U2P)

Des entrepreneurs des Hauts-de-France, dont l'association familiale Mulliez, détentrice d'Auchan, Leroy Merlin ou Decathlon, ont appelé lundi 24 juin les Français à soutenir aux législatives des dimanches 30 juin et 7 juillet les candidats « qui portent des messages de confiance, de coopération et de responsabilité », afin de garantir la « stabilité » de l'économie du pays. Mercredi 19 juin, le Medef, première organisation patronale française, avait qualifié de « dangereuses » pour l'économie française des mesures proposées par le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire.

 

« Prendre parti n'apporte rien à la réflexion »

Pierre Guillet, président des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC)

« Cela n'intéresse pas mes salariés de savoir pour qui je vote, mais cela ne veut pas dire que nous ne parlons pas de sujets politiques. Le matin, au café, nous abordons beaucoup de sujets de fond. Je n'ai aucune crainte au sujet de ce que les salariés pensent de moi dans mon entreprise : j'agis à livre ouvert, mes engagements sont publics. Mais le vote, c'est autre chose : il faut passer par l'isoloir. Ce n'est pas pour rien que la Constitution précise que le vote est ''secret''.

Je reçois beaucoup de courriers et d'appels pour me demander de prendre position avant ces élections législatives . Je me refuse pourtant à engager notre mouvement, qui est apolitique. C'est d'ailleurs très présomptueux de penser qu'on va être entendu et suivi quand on donne des consignes de vote. C'est loin d'être le cas, même pour un footballeur comme Kylian Mbappé , qui est peut-être un ''influenceur'', mais n'a pas réellement d'éclairage sur tous les sujets.

 

Que des chefs d'entreprise s'engagent en politique, c'est très bien. Que des chrétiens s'engagent en politique aussi. Mais chacun le fait à partir de ses compétences, et je ne crois pas avoir à juger les prises de position des uns et des autres. Le rôle des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens est donc d'éclairer sur nos sujets, l'économie et le monde de l'entreprise. Mais dire que tel programme est mieux qu'un autre, qu'il faut voter pour tel candidat plutôt que pour tel autre, ce serait un raccourci facile qui n'apporterait rien à la réflexion des gens.

Comme chef d'entreprise, j'ai bien sûr des convictions personnelles. Pour autant, je ne pense pas que ce soit ma vocation, comme président d'un mouvement, de prendre position. Cela ne ferait qu'amener du bruit alors qu'on a surtout besoin de fond. C'est pour cela que je me borne à donner des éléments de réflexion, notamment sur ce qui me semble absent de la campagne, alors que les programmes sont trop souvent une accumulation de points très courts et qu'il y a un déficit de culture économique dans la société.

Par exemple, sur la subsidiarité, sujet qui nous tient particulièrement à coeur aux EDC. La semaine dernière, lors de l'audition des différents candidats devant les organisations patronales , j'ai interrogé le Nouveau Front populaire à ce sujet. Boris Vallaud m'a répondu sur le dialogue social. Bien sûr, cela ne s'oppose pas, mais ce n'est pas la même chose, et j'aurais bien aimé approfondir plus avant avec lui sur ce point.

Nous, les entreprises, nous sommes dans le monde réel, et c'est pour cela que je défends la subsidiarité. Vouloir dire qu'il n'y a qu'une seule manière de faire toujours et partout est une très mauvaise méthode. C'est le contraire qu'il faut faire : les entreprises ont besoin d'agilité.

Quoi qu'il arrive, il nous faudra de toute façon faire avec le gouvernement qui sortira des urnes. Ou peut-être même pas de gouvernement. Malgré cela, les chefs d'entreprise devront continuer à travailler, à payer les salaires, à oeuvrer pour le bien commun. »

 

► « Notre devoir et responsabilité, c'est d'éclairer le débat »

 

Michel Picon , président de l'Union des entreprises de proximité (U2P)

« Je suis président de l'Union des entreprises de proximité, une organisation professionnelle qui représente 3,7 millions de petites entreprises actrices de l'artisanat, des commerces de proximité, des professions libérales. Nous ne sommes pas un acteur politique, nous respectons le choix de nos adhérents et nous n'avons pas de consignes de vote à donner.

Néanmoins, nous sommes des observateurs soucieux de défendre les intérêts matériels et moraux des petites entreprises. Nous avons vocation à donner des avis économiques et leurs implications sociales car c'est intrinsèquement lié, mais nous nous arrêtons là. Notre devoir, notre responsabilité, c'est d'éclairer le débat, compte tenu des compétences de l'U2P en matière d'économie, de social, de fiscalité...

Quand nous parlons d'immigration, notre rôle est de dire que l'immigration zéro proposée par le Rassemblement national est une folie économique pour nos petites entreprises. Si elle est mise en place, ce sont des milliers d'entreprises qui se retrouveront au tapis, qui vont devoir fermer car elles n'auront pas les collaborateurs et la main-d'oeuvre étrangère dont elles ont besoin pour tourner.

Lorsque le Nouveau Front populaire propose de revaloriser le smic de 14 %, notre rôle est de rappeler que le chiffre d'affaires des petites entreprises est en train de fléchir, que leurs marges se réduisent à cause de la hausse des prix sur les matières premières...

 

Elles sont incapables de revaloriser leurs salaires dans des proportions aussi importantes, d'autant que beaucoup de branches les ont déjà augmentés comme l'hôtellerie et la restauration. Pourquoi promettre une mesure dont on sait qu'elle va détruire de l'emploi ?

Face à des dépenses non financées, notre rôle est de rappeler que nous avons 3 000 milliards de dette et qu'aggraver le déficit public a des conséquences. Par exemple, si les jeunes couples ne peuvent plus emprunter pour acheter des appartements parce que les taux d'emprunt sont devenus trop élevés compte tenu du déficit, on ne construira plus de logements, et les entreprises du bâtiment connaîtront plus de difficultés.

 

J'entends le vote émotionnel, je le comprends, mais je dis : attention à ne pas tout casser, car vos entreprises sont en jeu ; attention à ne pas privilégier l'émotion que provoque une situation de désordre à des mesures économiques qui anéantiraient le pays. Il faut maintenir sa capacité à se développer, la capacité des entreprises à créer des emplois.

Chaque citoyen doit faire un choix, et ce choix doit être éclairé. Je n'ai pas de jugement à porter là-dessus. Le rôle de l'U2P est de décrypter. Chacun de nos adhérents, artisans, commerçants ou professions libérales, se prononcera.

Notre organisation respecte les lois de notre République : après ce travail de pédagogie, l'U2P travaillera avec la majorité qui sortira des urnes, quelle qu'elle soit, afin de défendre les intérêts moraux et matériels des petites entreprises. »




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