Le besoin de sens au travail est-il nouveau ? [Pocast RCF]

Nicolas, vous avez souhaité prolonger l’exploration du travail et votre précédente chronique sur la joie en parlant du sens au travail.

Donner du sens est une de ces formules magiques. De celles qui, dans une conversation, provoquent un acquiescement unanime. Si vous dites « aujourd’hui l’entreprise doit donner du sens », l’un racontera l’histoire d’un jeune qui lance une start-up à impact environnemental plutôt que rejoindre le confort d’un grand groupe. L’autre parlera de celle d’un quadra qui a quitté un job devenu alimentaire pour se lancer dans une activité manuelle. Et chacun ressentira une certaine admiration pour ces démarches.

Mais, ce besoin de sens est-il vraiment nouveau ?

Non, le besoin de sens est dans la nature de l’homme. De tout temps, l’homme a besoin de savoir pourquoi il agit. Qui pourrait penser que nos grands-parents travaillaient sans raison et exécutaient sans aucune joie les directives d’un patron qui n’expliquait rien. Puis éventuellement ils devenaient à leur tour des patrons qui dictaient aux autres ce qu’ils devaient faire.

Le besoin de sens n’est pas nouveau. Il est inscrit dans le cœur de l’homme, cocréateur à l’image du créateur. Non ce qui a changé c’est notre difficulté à trouver du sens. Aujourd’hui les entreprises et plus largement la société peinent à combler notre besoin de sens.

Ne s’agit-il pas d’un besoin spirituel ?

Tout à fait. Un travail qui a du sens est un travail qui nous anime dans le sens étymologique du verbe animer : « donner vie ». Il nous permet de faire du bien, de réaliser quelque chose d’unique et d’être en lien avec nos frères. Quand vous faites un beau travail qui contribue à la vie du monde vous vous sentez pleinement vivant. Ce que vous avez fait donne du sens à votre vie

Or, notre société est fatiguée. Elle souffre d’hyperconsommation, d’incapacité à s’arrêter et à savourer ce qui lui est donné, elle se ronge d’inquiétude sur l’avenir. Elle a perdu le sens de Dieu. En s’éloignant de Dieu, l’homme s’est éloigné de lui-même. Dans sa lettre au Général X Saint Exupéry écrivait « Il n’y a qu’un problème, rendre aux hommes une signification spirituelle ». C’est bien le sujet du sens du travail.

Mais que vient faire le spirituel dans l’entreprise ? Et, que peut-elle bien faire ?

L’entreprise peut beaucoup mais pas tout. D’abord, le travail n’est pas le seul lieu de notre vie spirituelle. Ce que peut l’entreprise c’est donner à chacun un travail de qualité et construire le cadre correspondant. Pas de meilleur guide pour cela que la pensée sociale chrétienne. Ainsi, en inscrivant son action au service du bien commun l’entreprise donne l’opportunité à ses collaborateurs de contribuer à quelque chose de grand et bon. Nous pourrions aussi prendre chacun des autres principes.

Mais ne nous trompons, ce n’est pas l’entreprise qui crée voire impose le sens du travail. Ce sont ses collaborateurs eux-mêmes qui le construisent jour après jour dans le cadre proposé par l’entreprise. C’est une aventure collective ou chacun écrit intérieurement sa propre histoire.