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Faire corps (1 Co 11,17-14,33) c'est mettre en commun charismes et talents

31 janvier 2019 Repères chrétiens
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Construire une communauté dont tous les membres soient revêtus d’une égale dignité, et où chacun puisse être engagé, en fonction de ses talents, dans un projet commun : c’est la perspective de la Première lettre de Paul aux Corinthiens.

Nous retrouvons dans le Nouveau Testament les insistances que nous avons mises en évidence en Exode 19-24 (Article La participation comme adhésion à un projet : l’alliance (Ex 19-24)). 

Le scandale d’une communauté divisée lors du repas du Seigneur (1 Co, 17-34)

Dans ce texte saint Paul traite des divisions de la communauté de Corinthe lors de la célébration du repas du Seigneur. Ces divisions sont liées à des disparités sociales : avant la célébration de la liturgie eucharistique, les chrétiens prennent un repas. Mais « chacun se hâte de prendre son propre repas, si bien que l’un a faim, tandis que l’autre est ivre » (1 Co 11,21). Autrement dit, le repas qui précède l’Eucharistie dans la communauté de Corinthe n’est pas un repas partagé, mais vient illustrer et souligner les disparités sociales qui fracturent la communauté chrétienne.

La réflexion de Paul invite les Corinthiens à tirer les conséquences de ce qu’ils célèbrent dans l’Eucharistie. Ils y partagent un même pain — le Corps du Christ — et ce partage liturgique vient souligner l’égale dignité de tous les membres de la communauté.

Ainsi, Paul invite chacun au discernement : « Celui qui mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement sera coupable vis-à-vis du Corps et du Sang du Seigneur. Que chacun discerne avant de manger le pain et de boire à la coupe » (1 Co 11,27-28).

L’Eucharistie est avant tout le lieu où le Seigneur lui-même vient à la rencontre de tous ceux qui y prennent part. Mais cette liturgie a également une fonction pédagogique : il s’y construit une relation nouvelle entre tous les membres de la communauté chrétienne, une relation fraternelle qui se substitue aux fractures sociales.

La diversité des talents, des charismes et l’appartenance de tous à un même corps

Les divisions qui traversent la communauté de Corinthe ne sont pas seulement sociales, elles tiennent également à la répartition des fonctions, des responsabilités au sein de cette communauté. Si tous les Chrétiens sont investis d’une égale dignité, comme le manifeste la célébration de l’Eucharistie, en fonction de quoi définir la participation de chacun à la vie de la communauté ? C’est le propos de 1 Co 12-14 de répondre à cette question en proposant et en fondant théologiquement des règles d’éthique communautaire.

Les talents individuels sont des dons de l’Esprit (1Co 12,1-11)

Tout d’abord, tout en reconnaissant la richesse des charismes (kharismata : 1 Co 12,4.9.10) des membres de l’Église de Corinthe, Paul en souligne la provenance divine : il s’agit de dons de l’Esprit (pneumatika : 1Co 12,1). Nul ne peut donc s’en prévaloir comme d’un bien propre. Ces charismes sont divers et complémentaires — foi, sagesse, connaissance, discernement, don de guérison, prophétie, don de parler en langues, etc… — et ils doivent contribuer au bien commun (to sumphèron, 1 Co 12,7) de la communauté.

La construction du corps du Christ requiert la participation de tous (1 Co 12,12-31)

La diversité des dons peut conduire à la tentation d’en proposer une hiérarchie. Qui est le plus important, ou le plus indispensable pour la vie de la communauté chrétienne ? L’image du corps, développée par Paul en 1 Co 12,12-31 répond à cette difficulté :

  • D’une part, elle souligne l’unité de la communauté chrétienne : nul baptisé ne peut envisager sa propre fonction, son propre rôle dans la communauté, sans prendre en considération le corps tout entier (1 Co 12,12 : « Le corps est un et a plusieurs membres — tous les membres du corps, tout en étant nombreux, ne forment qu’un seul corps. Il en va de même du Christ ») ;
  • D’autre part, la comparaison avec le corps permet d’insister sur la complémentarité des différents charismes, et de contester la pertinence de la question de leur hiérarchie. Le fonctionnement du corps qu’est l’Église requiert la participation de tous. Dans la mesure où les charismes sont des dons de Dieu, il revient à tous de discerner les charismes de chacun, d’y reconnaître le travail de l’Esprit, et de comprendre que chaque charisme est ordonné au fonctionnement du tout.

L’ « agapè » comme principe théologique de l’unité (1 Co 13)

L’hymne à la charité de 1 Co 13 est bien connu de tous les chrétiens. Ce texte poétique utilise à huit reprises le mot « agapè ». La traduction « amour », ou la traduction » charité » ne rendent qu’imparfaitement compte de la richesse de ce terme. L’agapè est présentée comme nécessaire à la mise en œuvre harmonieuse de tous les dons de l’esprit. Ce terme désigne une capacité de donner gratuitement et de recevoir gratuitement :

  • Donner gratuitement : ne pas garder pour soi les « charismes » reçus de l’Esprit, mais les mettre au service du corps, au service de la communauté, sans chercher un bénéfice personnel ;
  • Recevoir gratuitement : reconnaître les charismes de chaque membre de la communauté, et accepter de se laisser édifier par ces charismes.

L’agapè désigne donc un mouvement de gratuité réciproque, qui est la condition de possibilité même de la construction du corps, et qui évite que celle-ci soit dévoyée par des considérations hiérarchiques ou par des prises de pouvoir. Les charismes des différents membres de l’Église sont différents, et leur participation à la construction de la communauté chrétienne est variable, mais aucun ne peut se prévaloir d’une importance plus grande.

Des règles pratiques pour la vie quotidienne de la communauté de Corinthe et pour le service du « bien commun » (1 Co 14,1-33)

Le chapitre 14 de la Première lettre aux Corinthiens peut apparaître en décalage avec les chapitres précédents. En effet, après les développements théologiques déployant l’image du corps et proposant le principe de l’agapè comme fondement de la vie communautaire, 1 Co 14 énonce des règles disciplinaires, en fonction desquelles les « glossolales » doivent s’effacer devant les « prophètes » lors des réunions communautaires. Le vocabulaire employé par 1 Co 14,5 semble contredire l’analyse proposée jusqu’ici : « Celui qui prophétise est plus important que celui qui parle en langues ».

N’y a-t-il pas ici une contradiction avec l’absence de hiérarchie énoncée en 1 Co 11,17ss, et en 1 Co 12,12ss ? La longue argumentation développée par Paul fournit les motifs d’une telle proposition : les glossolales, ceux qui parlent en langues, tiennent un discours incompréhensible pour les autres membres de la communauté, tandis que les prophètes contribuent à l’édification de la foi des croyants. L’objectif recherché par Paul et proposé à tous est celui du « bien commun » de la communauté, comme le soulignait déjà 1 Co 12,7 : À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit, en vue du bien commun ». Autrement dit, si tous les Chrétiens ont une égale dignité, et si tous ont reçu des charismes, des dons de l’Esprit, ceux-ci doivent être « ordonnés », en vue du bien commun de la communauté. Si hiérarchie il y a, ce n’est pas une hiérarchie de dignité, mais une hiérarchie de service en vue du bien commun.

Résumons ces différents éléments :

  • La communauté des baptisés, réunie par le Christ ne saurait être divisée par des fractures sociales (1 Co 11,17ss), ni hiérarchisée en fonction des talents de ceux qui la composent. La participation de tous est nécessaire à la construction du Corps que forme la communauté. La comparaison de 1 Co 12,12-31 joue avec l’image du corps, mais aussi avec le mot « corps », identique au terme utilisé dans la célébration eucharistique. La communauté chrétienne, c’est le corps du Christ.
  • La construction du corps requiert non seulement la participation de tous, mais aussi la reconnaissance des talents, des charismes de chacun. Exercés et reconnus dans un esprit de gratuité (d’agapè, 1 Co 13), ces charismes ne confèrent à ceux qui les ont reçus de l’Esprit aucun avantage, mais plutôt une responsabilité particulière, en vue du bien commun des Chrétiens.
  • La croissance de la communauté requiert que les charismes de chacun soient « ordonnés » au profit de tous. Dès lors, c’est le bien commun de la communauté de Corinthe qui détermine, de manière pratique, la nature de la participation de chacun dans les différentes activités et les différents services qui structurent la vie chrétienne.

Source : Cahier des EDC Le principe de participation

 




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