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Diriger, c’est donner du sens au travail de chacun
Le premier enjeu du travail est de lui donner du sens. Simone Weil a bien mis en lumière la manière dont le travail pouvait être tantôt libérateur, tantôt asservissant : il s’agit des conditions par lesquelles l’homme au travail est en mesure de saisir la finalité de son œuvre. Pour Simone Weil, il importe véritablement que « Non seulement l’homme sache ce qu’il fait, mais si possible qu’il en lui. Que pour chacun son propre travail soit un objet de contemplation »1
Le sens du travail regroupe plusieurs dimensions :
L’utilité de l’œuvre ou du service réalisé. Simone Weil rappelle qu’une des sources de sou rance dans le travail « est le fait qu’il est gouverné par la nécessité, non par la finalité. On l’exécute à cause d’un besoin, non en vue d’un bien »2.
- La possibilité de mettre de soi dans son travail. C’est cette si belle exigence rappelée par Simone Weil de « pouvoir se contempler dans son travail ». Ce sentiment d’une forme de propriété de son travail passe par la possibilité de s’organiser et de pouvoir prendre des initiatives.
Pousser la réflexion sur cette voie fait toucher l’idée de vocation. Permettre à chacun de trouver et d’accomplir ce à quoi il est appelé est une piste à ne pas écarter.
L’émotion et la satisfaction que chacun peut trouver en réalisant son travail. Avoir le sentiment d’avoir « bien fait » son travail donne une forme d’accomplissement. La manifestation de l’une de ces grandes joies qu’évoque le pape François. Quand le travail a du sens, l’homme peut travailler en ayant conscience, comme le demandait saint Jean-Paul II, « que, même s’il travaille dans une propriété collective, il travaille en même temps « à son compte »3. »
A l’inverse, le manque de sens comme le sentiment d’être inutile ou le constat que ses capacités sont inutilisées est parmi les causes les plus fortes de souffrance au travail. Celui qui ne sait pas pour quoi ni pour qui il travaille ne peut aimer ce qu’il fait ! Il n’est pas étonnant qu’il se sente instrumentalisé ou aliéné.
Travailler au-delà de ses forces et recevoir une rémunération qui ne permet pas de vivre est une source d’aliénation.
Si le manque de sens est une cause d’asservissement, elle n’est pas la seule. Le fait de devoir travailler au-delà de ses forces, de recevoir une rémunération qui ne permet pas de vivre correctement, l’absence d’autonomie sont autant de sources d’aliénation.
La souffrance au travail provient d’un ensemble de facteurs que l’on pourrait en partie expliciter par les travaux de Paul Ricœur dont s’inspirent ci-dessous ces mots de Yves Clot : « On fera quelques remarques sur l’incidence psychique des amputations du pouvoir d’agir dans le travail. En effet, (…) l’action contrariée nous paraît être le ressort des souffrances endurées dans le monde du travail contemporain.
La souffrance au travail définie également par la diminution voire la destruction de la capacité d’agir
On peut penser en effet, avec Paul Ricœur, que la souffrance n’est pas uniquement définie par la douleur physique ou mentale, mais par la « diminution, voire la destruction de la capacité d’agir, du pouvoir-faire, ressentie comme atteinte à l’intégrité de soi (…) ». La souffrance est pour Ricœur une impuissance à dire, à faire, à raconter et à s’estimer. C’est un empêchement, qu’il faudra endurer dans l’épreuve et l’effort pour exister en dépit de cette entrave, au risque d’y perdre sa santé, mais aussi d’en sortir grandi. Et c’est ce « en dépit de » qui forme la dernière barrière entre la souffrance et la douleur. »4.
Sans entrer plus dans le sujet, ce « diagnostic » de la souffrance au travail permet de mettre en œuvre des remèdes au sein de l’entreprise, en accordant les marges de manœuvre utiles et nécessaires et la reconnaissance indispensable au bien-être des collaborateurs.
Source : Cahier des EDC La dignité de l’homme au coeur de l’entreprise
- Simone Weil dans Journal d’usine (Gallimard – Œuvres complètes Tome 2 p171) cité par Emmanuel Gabelliéri dans Penser le travail avec Simone Weil page 60, édition nouvelle cité. ↵
- Simone Weil, Condition première d’un travail non servile, édition de l’Herne, page 9 ↵
- Laborem Exercens §15 ↵
- Yves Clot, Le travail à Cœur, édition de la découverte, p 187-188 ↵
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