Regard d'un triple médaillé olympique sur la formation
Karim Laghouag, champion olympique à Rio en 2016 en concours complet par équipe, médaillé de bronze à Tokyo en 2021 et médaillé d’argent à Paris cet été est l'un des intervenants de l’Académie équicoaching, centre de formation fondée il y a plus de 12 ans par Arnaud Camus . Tous deux apportent leur regard sur ce que peut apporter l’expérience sportive de haut niveau et le contact avec l’animal dans la formation en entreprise.
L’équicoaching, qu'est-ce que c'est ? cela s'adresse-t-il aux dirigeants ?
Arnaud Camus : C’est un ensemble de formations en management assistée par le cheval, qui a pour objectif de mieux faire comprendre aux participants leur langage non verbal, et les aider à trouver leur place en équipe. Nos intervenants sont pluridisciplinaires : des sportifs de haut niveau comme Karim Laghouag, qui par leur expérience vont partager les notions de rigueur et de performance ; des psychologues qui vont apporter le décodage des liens interpersonnels et des managers en entreprise qui vont faire l’analogie avec le monde professionnel. Les publics sont des salariés d’entreprises, principalement des Codir, Comex, commerciaux et leurs équipes, des entreprises du Cac 40 jusqu’à des ETI, mais aussi des structures comme des CHU qui viennent avec des cadres de santé et des médecins.
L'objectif est améliorer les relations humaines dans l’entreprise.
Le cheval est le vrai coach dans la formation,
il apporte une capacité à pouvoir décoder l’humain
de façon étonnante.
Quand on pense aux formations, on pense à des choses assez académiques, l’équicoaching propose une autre approche, avec notamment le concours du cheval. Qu’apporte de spécifique le contact avec l’animal ?
AC : Le cheval permet de révéler les « soft skills » en travaillant sur le comportement interpersonnel. Notre objectif est d’améliorer les relations humaines dans l’entreprise. Le cheval est le vrai coach dans la formation, il apporte une capacité à pouvoir décoder l’humain de façon étonnante. En tant qu’herbivore, il a développé des capteurs sensitifs extrêmement puissants. Il a par exemple une vision à 340° et peut distinguer des choses très précisément à plus de 300 mètres. Ses jambes lui permettent de courir à plus de 55 km/h, il a une ouïe très développée et entend les bruits avant l’être humain ! Cet animal a aussi la capacité de ressentir des choses physiques très fines… Il est 10 fois plus imposant que nous mais 10 fois plus sensible. C’est cette capacité qu’il a à analyser son environnement en permanence qui fait de lui un fabuleux médiateur.
Karim Laghouag, vous intervenez au sein de l’académie équicoaching, vous êtes également cavalier, membre de l’équipe de France depuis 2006, triple médaillé olympique. Que peut apporter un sportif de haut niveau dans le domaine de la formation professionnelle ?
Karim Laghouag : Au début je ne voyais pas du tout ce que je pouvais apporter à des gens qui sont des pointures dans le domaine de l’entreprise, je ne me sentais pas légitime. Mais j’ai pris conscience au fur et à mesure que j’avais des valeurs à transmettre, à travers mon expérience de la compétition sportive et ma relation avec l’animal. Lors des stages, je suis aux côtés du cheval ; c’est lui le coach, je ne suis là que pour faire l’interface entre lui et les stagiaires, afin qu’ils puissent découvrir la coordination, le dépassement de soi, le langage non verbal, l’observation… Mais aussi la motivation des équipes, les objectifs, les performances, la confiance, le mental… Ce sont des éléments nécessaires autant dans les compétitions sportives que dans le monde de l’entreprise.
Le cheval est un formidable outil de formation,
car il est dans le non-jugement.
Face à lui, nous sommes tous égaux !
Vous avez participé à trois olympiades et vous vous projetez déjà à Los Angeles. Comment avez-vous fait pour atteindre le plus haut niveau et surtout vous y maintenir ? Cela passe par l’entraînement, le mental ?
KL : L’une des choses les plus importantes pour moi, c’est la passion, car c’est le moteur qui va vous permettre de vous lever tous les jours. J’appelle cela l’élan. Ensuite, il y a cette notion de vision. Quand vous prenez une olympiade qui a lieu tous les quatre ans, la saison ne va pas se dérouler comme les précédentes. C’est très important de se projeter. L’entourage est également très important ; la famille bien sûr, mais aussi les gens avec qui l’on travaille. Pour moi, il s’agit notamment de mon entraîneur Jean-Luc Force, mais aussi des chevaux. On dit qu’ils représentent dans notre discipline en moyenne 70 % de la performance ! C’est pourquoi il faut réussir à comprendre les chevaux. Ils ne parlent pas mais s’expriment à leur façon, et il faut réussir à décoder ce langage, pour faire en sorte qu’il ne se blesse pas et qu’il ne se lasse pas non plus. Bref, il faut leur laisser la possibilité de s’exprimer, pour qu’ils atteignent pleinement leur haut niveau ! Car les chevaux n’ont pas choisi de faire de la compétition mais, au fur et à mesure, ils y prennent goût et cela devient pour eux une habitude. Ils apprécient beaucoup cela à partir du moment où ils sont bien dans leur tête, bien dans leur corps. Un peu comme les êtres humains.
Dans le sport comme dans le monde professionnel,
les notions de réussite, d’échec et de mental sont importantes. (...)
Quel parallèle faites-vous entre le monde du haut niveau et la compétition économique dans laquelle les dirigeants sont engagés ?
KL : Dans le sport comme dans le monde professionnel, les notions de réussite, d’échec et de mental sont importantes. On me demande souvent comment j’ai réussi à me remobiliser après être devenu champion olympique. Il a fallu se réinventer ! Si je prends la préparation de Rio, celle de Tokyo ou celle de Paris, à part le cheval et la discipline, énormément de choses ont changé d’une olympiade à l’autre. J’ai gardé ce qui avait bien fonctionné, mais après j’ai cherché d’autres façons de m’entraîner. Et heureusement, car si j’avais fait une préparation identique pour les JO de Paris que pour ceux de Tokyo trois ans plus tôt, je n’aurais certainement pas eu de médaille ! Le but est d’avoir cette vision, cette rigueur et ce travail.
Se remobiliser, se réinventer...
Le but est d’avoir cette vision, cette rigueur et ce travail.
Quand les dirigeants font appel à vous, quelles sont leurs problématiques, sont-elles récurrentes ? Que viennent-ils chercher ?
AC : Les entreprises souhaitent que leurs salariés se découvrent à travers le filtre du cheval en toute transparence, et cette transparence permet de retrouver la confiance dans les équipes. On nous demande aussi des formations sur la gestion du stress, c’est le cas notamment des sociétés qui évoluent dans des marchés tendus ou qui sont parfois économiquement très chahutées. Il faut réussir à ne pas paniquer, et nous avons développé toute une batterie d’exercices avec les chevaux pour apprendre à séquencer son approche. D’autres cherchent à développer les capacités d’innovation et de création de leurs collaborateurs, afin que ces derniers pensent autrement et prennent conscience qu’ils peuvent faire différemment… Ce sont les trois principales formations demandées.
Propos recueillis par Gautier Demouveaux
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