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Les patrons de l'industrie craignent une rentrée sociale «polluée» par l'agitation politique
Les patrons de l'industrie craignent une rentrée sociale «polluée» par l'agitation politique
Les patrons de l'industrie craignent une rentrée sociale «polluée» par l'agitation politique
Avec le reflux de l'inflation, les revendications salariales se font moins pressantes dans les entreprises, estiment les dirigeants rassemblés à l'événement de rentrée du Medef à Paris, les 26 et 27 août. Mais la situation politique incertaine leur fait craindre de nouvelles tensions sociales.
La sixième édition de la REF s'est déroulée lundi 26 et mardi 27 août à l'hippodrome ParisLongchamp.
Avec le reflux de l'inflation, à 2,3% sur un an en juillet contre 4,9% en moyenne l'an passé, et la promesse d'une baisse des tarifs réglementés de l'électricité pour février prochain, les revendications salariales se font moins entendre dans les entreprises en cette rentrée. C'est en tout cas le ressenti des patrons de l'industrie rencontrés par L'Usine Nouvelle lundi 26 et mardi 27 août à l'hippodrome de Longchamp où s'est déroulée la sixième édition de l'événement de rentrée du Medef, la Rencontre des entrepreneurs de France.
«Ça s'est calmé», considère Thierry Trevalinet, le directeur général de la filiale française du groupe autrichien AVL, à propos des demandes d'augmentations. En mars dernier, ce spécialiste de l'ingénierie pour la mobilité a augmenté de 5% son enveloppe globale consacrée aux augmentations de ses salariés en France. «Aujourd'hui, le dialogue social dans les entreprises est globalement bon», poursuit son dirigeant français, aussi président du Medef des Yvelines.
Des propos faisant écho à ceux tenus par le chef de l'organisation patronale, Patrick Martin, dans son discours inaugural.
«Le niveau de conflictualité est à un plus bas historique», avait déclaré ce dernier en référence aux nombreuses signatures d'accords au sein des entreprises.
Craintes des interférences politiques
«A ce stade, ce n'est pas spécialement tendu, l'inflation est en train d'être maîtrisée», embraie quelques stands plus loin Bruno Berthet, le président exécutif de l'équipementier aéronautique Aresia qui emploie 750 personnes. Pour expliquer la prudence de sa déclaration, le dirigeant évoque «l'incertitude politique» .
Dans les travées de l'hippodrome, les chefs d'entreprise craignent que le contexte politique trouble la relative quiétude de cette rentrée sociale. «Nous sommes inquiets des causes externes comme les interférences politiques qui pourraient polluer cette accalmie, en générant une forme de résurgence des Gilets jaunes. Demain, les gens peuvent être dans la rue car le président de la République ne veut pas de telle ou telle personne pour diriger le pays», veut croire Thierry Trevalinet. Après le rejet de la candidature de Lucie Castets par Emmanuel Macron lundi 26 août, LFI a appelé à une grande mobilisation le 7 septembre pour défendre un gouvernement du Nouveau Front populaire.
Le Smic à 1600 euros s'éloigne, pour le plus grand bonheur des patrons
La proposition faite par ce bloc politique d'une revalorisation du Smic à 1600 euros net a déjà échaudé les esprits. Tout en affirmant ne pas avoir de salariés au Smic chez Aresia, Bruno Berthet s'inquiète de le voir atteindre ce niveau «du jour au lendemain» . «Il y a un risque de rétrécissement de la grille des salaires, avec tout un pan des salariés qui pourraient être rattrapés par cette accélération rapide du salaire minimum», prévient-il.
Chez AuCoffre.com, une société d'une cinquantaine de salariés active dans l'achat et la vente de métaux précieux, le dirigeant Jean-François Faure raconte avoir mis en pause ses recrutements depuis plusieurs semaine pour cette raison. «C'était une possibilité jusqu'à hier [lundi, jour du rejet de la candidature de Lucie Castets par Emmanuel Macron, ndlr]. Je craignais d'avoir des nouvelles recrues avec un Smic de 1600 euros et des salariés plus anciens qui touchent parfois à peine plus de 1600 euros», affirme-t-il.
«Depuis aujourd'hui on souffle, puisque la perspective d'un Smic à 1600 euros s'éloigne avec celle de LFI au pouvoir. Si le Smic avait augmenté, on aurait été obligé de remonter l'ensemble des salaires, notamment des gens en production chez nous qui gagnent de 1900 à 2500 euros. Il faut faire attention avec ce genre de mesure pour rester compétitif », considère également Philippe Véran, le PDG du fabricant d'implants et d'aligneurs dentaires Biotech Dental qui compte 1000 salariés.
Si elles sont moins bruyantes qu'au cours des deux années précédentes, les revendications salariales n'ont pas disparu. «Les salariés demandent toujours des augmentations», constate Pierre Guillet, président du réseau des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens et dirigeant de la PME Hesion qui fournit des logiciels et de l'électronique pour la gestion des parkings. Egalement président du Groupe des industries métallurgiques d'Ile-de-France, Bruno Berthet reconnaît lui aussi que les demandes de revalorisations salariales peuvent être plus difficiles à prendre en compte dans des secteurs sous pression, comme le bâtiment.
Des changements durables dans les politiques de rémunération
La période passée de forte inflation semble toutefois avoir poussé certaines entreprises à écouter davantage les exigences de pouvoir d'achat de leurs salariés. «La rémunération est un ensemble de dispositifs, avec le salaire, le variable, la prime Macron [aujourd'hui appelée prime de partage de la valeur, ndlr] , l'intéressement et l'actionnariat salarié. Le dirigeant doit agir sur tous les leviers, prône Pierre Guillet. Dans mon entreprise, j'ai renouvelé le dispositif d'intéressement en juin dernier. J'ai aussi ouvert le capital à l'actionnariat salarié l'année dernière, j'ai refait une opération cette année et j'en referai une l'année prochaine.» Chez AuCoffre.com, Jean-François Faure teste avec quelques salariés d'autres avantages comme la semaine en quatre jours et un accompagnement en santé mentale. Il s'est aussi rapproché d'un prestataire pour garantir des places de crèche, en partie financées par l'entreprise, à ses salariés.
Reste les inquiétudes concernant les économies envisagées par le gouvernement démissionnaire sur les aides à l'apprentissage, dans les travaux préparatoires pour le budget 2025. «Les aides ont déjà baissé, ce n'est plus incitatif, regrette Thierry Iung, le PDG de Segor, une PME de la Meuse qui fabrique des engrenages pour l'industrie lourde. On dit que l'apprentissage est très subventionné, mais moi je dois financer le logement de mes apprentis car ils ne peuvent pas payer un double logement sur leur lieu de formation et près de leur entreprise. C'est une erreur de vouloir faire des économies de bout de chandelle sur l'apprentissage.»
Jonathan Grelier, avec Solène Davesne et Anne-Sophie Bellaiche
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