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Le transhumanisme interpelle l’homme de façon nouvelle

18 juillet 2018 Repères chrétiens
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Le transhumanisme apparaît dans les années 60 comme une conséquence du développement de l’intelligence artificielle. Avec les progrès spectaculaires de la technique ce qui apparaissait comme de la science-fiction apparaît aujourd’hui possible. Même s’il plonge ses racines intellectuelles dans les plus anciens désirs de l’homme, il interpelle l’homme de façon tout à fait nouvelle. Il n’est pas question ici de décrire de façon exhaustive ce qu’est le transhumanisme ni d’aborder toutes les questions qu’il soulève.

À l’issue du livret sur la dignité de l’homme, l’enjeu est de prendre la mesure de l’importance du sujet et d’ouvrir le débat sur les questions éthiques posées par le transhumanisme. Le transhumanisme est « un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques a n d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine, tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement, voire la mort, comme inutiles et indésirables. »1.

Il ne s’agit plus d’humanisme, puisque les limites physiques de l’humain sont contestées.

Mais, contrairement aux scientifiques qui les précèdent et qui cherchent depuis les débuts de l’homo sapiens à accroître les connaissances pour mieux comprendre l’homme et son environnement, ils espèrent mobiliser la science et la technique au profit d’une transformation radicale de l’homme. Il ne s’agit plus d’humanisme, puisque les limites physiques de l’humain sont contestées, au point que la mort est considérée comme un « mythe » d’origine culturelle, une « croyance » dont on pourra s’affranchir un jour. L’humanisme pourrait même constituer un obstacle aux projets2

Transhumanisme : cette volonté de transformation radicale en fait une véritable idéologie et un athéisme.

Elle s’accompagne d’une domination économique par les grandes entreprises des secteurs NBIC, les GAFA. Google en a fait un axe de développement et veut « parler aux âmes » de ses collaborateurs pour les motiver, en leur proposant d’expérimenter la « pleine conscience » et de se relier les uns aux autres, dans le but ultime de « résoudre la mort ». C’est aussi une utopie, combinant « l’augmentation » de l’homme par l’intelligence artificielle, l’espace à coloniser (exploration de Mars) pour échapper à la catastrophe éco- logique qui menace la vie sur terre et la prolongation indéfinie de la vie par les biotechnologies. L’objectif ultime est une rupture complète par l’atteinte de la « singularité3», état nouveau de l’homme qui nécessitera de repenser toutes les lois actuelles, de façon à survivre par la technique.

La médecine est réparatrice si elle traite les maladies mais dangereuse si elle contrôle la vie.

Cela induit des risques existentiels directs pour ceux qui ne voudraient pas ou ne pourraient pas, notamment pour des raisons économiques, suivre cette transformation. Il semble qu’une première clé pour discerner ce qui est bon de ce qui ne l’est pas est de distinguer ce qui « répare » de ce qui « augmente » l’homme. La médecine est réparatrice lorsqu’elle répare un cœur, pose une jambe artificielle ou propose un traitement chimique permettant de réguler l’humeur ou traiter des maladies. Elle est dangereuse lorsqu’elle ne s’impose plus de limites dans ses méthodes de traitement ou exerce un contrôle excessif sur la vie (suivi en continu des données corporelles, implantation de puces…). Elle attente ainsi, en effet, à la dignité intrinsèque de tout homme.

Ce critère de discernement est sans doute bon actuellement, car il est relativement simple. Cependant, il est prévisible qu’il sera rapidement insuffisant : les progrès thérapeutiques du cancer par exemple ont permis et permettront encore de prolonger très significativement l’espérance de vie : 100 ans, 120 ans, un jour 150 ans ? Réparation ou augmentation ? D’autre part « réparer » veut dire « remettre à l’état normal » et donc suppose de définir l’état « normal ». Or ce dernier ne cesse de progresser.

Transhumanisme : distinguer ce qui augmente l’homme ou cherche à transformer la nature humaine.

Sans doute faut-il ajouter un critère complémentaire en distinguant ce qui augmente l’homme et ce qui cherche à transformer la nature humaine4. Par ailleurs le transhumanisme pose un question de justice. Les avancées scientifiques et techniques sont évidemment utiles lorsqu’elles améliorent la vie de beaucoup et nous permettent de vivre mieux dans un univers mondialisé sur la planète. Mais elles perdent leur justification si elles se concentrent entre les mains de quelques-uns qui seront capables d’en tirer profit « égoïstement », sans chercher à faire progresser les capacités d’enrichissement mutuel et de relations humaines entre les hommes, bien au contraire. Le risque ultime est d’arriver à une société partagée entre hommes augmentés dominants et hommes non augmentés dominés.

Le transhumanisme : des questions à se poser

Au bout du compte, la vraie question est, une fois encore, celle de la vision de l’homme et de la Création.

  • Sommes-nous livrés à nous-mêmes et totalement sans guide, sans principe présidant à notre existence et donc sans finalité (l’immortalité pour quoi ?), bref sans transcendance ou sommes-nous créés dans un dessein bien particulier, celui de la communion avec le Créateur, de qui nous recevons la vie, la croissance et l’être, en vue du salut éternel ?
  • Concrètement, est-il digne pour une personne de coopérer à des programmes qui s’inspirent du mythe de l’homme immortel ou a minima de l’homme augmenté ?
  • Sans aller jusqu’au transhumanisme, les pratiques de développement personnel inspirées des dé- couvertes de la psychologie, cherchant à pousser au maximum le « potentiel professionnel » de certains jeunes, notamment dans les fonctions de vente ou de management, sont-ils respectueux de la dignité de la personne ?
  • Comment développer intégralement l’homme grâce aux progrès techniques5 ? Veillons-nous assez à valoriser les capacités créatrices, les capacités relationnelles de chacun, que ne remplace pas la technique ? Comment mettons-nous cette technologie au service d’un mieux-être et d’un plus grand développement intégral de chacun ?

Source : Cahier des EDC La dignité de l’homme au coeur de l’entreprise

 
  1. Cf. Article Wikipédia Transhumanisme. 
  2. Le préfixe « trans » indique-t-il un humanisme travesti et dévoyé, ou au contraire un humanisme transcendé ? 
  3. La singularité décrit le moment où la vie humaine laissera la place à une vie surhumaine. Celle-ci disposerait d’une intelligence dépassant largement les possibilités humaines actuelles. Les humains seraient « des formes de vie » ayant une moindre influence sur le cours du monde. Le concept a été créé dans les années 1850 et popularisé dans les années 1990 par des auteurs tels que Vinge. 
  4. Lire à ce sujet de Jean-Guilhem Xerri aux éditions du Cerf. 
  5. Cf. Laudato Sí §194 : « Il s’agit simplement de redéfinir le progrès. Un développement technologique et économique qui ne laisse pas un monde meilleur et une qualité de vie intégralement supérieure ne peut pas être considéré comme un progrès… » 



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