L'intercession d'Abraham et de Moïse : Dieu est solidaire de son peuple
On peut aller plus loin et reconnaître dans les récits bibliques un enseignement sur la solidarité entre Dieu et ses fidèles. Dieu voue ses créatures à la perfection ; il appelle des croyants et partage avec eux ses projets. C’est ainsi que Dieu se sent « tenu » de dire à Abraham son intention
de détruire Sodome : « Vais-je cacher à Abraham ce que je fais ? » (Gn 18,17). Lorsque Abraham apprend le projet de Dieu, immédiatement, il intercède pour Sodome alors qu’il aurait pu se désolidariser de ce peuple corrompu. L’intercession d’Abraham se base sur un lien de solidarité entre les justes
et les pécheurs : puisqu’il y a des justes, on ne peut pas détruire la ville ; n’y aurait-il que 10 justes ! Hélas, la suite du récit révèle qu’il n’y a même pas dix justes dans la ville.
Des siècles plus tard, Moïse se montre solidaire de son peuple dans des circonstances analogues ; en dressant et en adorant le veau d’or, le peuple élu est pris en flagrant délit d’infidélité et de rupture d’alliance. Toutes les conditions sont réunies pour que la colère divine s’enflamme et balaye le peuple hébreu. La faute d’Israël est trop grande et le Seigneur annonce à Moïse : « Je vois ce peuple : eh bien ! c’est un peuple à la nuque raide ! Et maintenant, laisse-moi faire : que ma colère s’enflamme contre eux, je vais les supprimer et je ferai de toi une grande nation. » (Ex 32,9-10.)
Dieu dit à Moïse « laisse-moi faire », parce qu’il connaît par avance sa réaction. Certes Moïse est assuré d’avoir la vie sauve. Innocent du crime du veau d’or, il sait que Dieu peut constituer un autre peuple à partir de sa descendance, et
même une nation plus grande et plus puissante (Nb 14,12.). En le prévenant de son projet, le Tout-Puissant le met à l’épreuve pour savoir s’il va se comporter en pasteur ou faire cavalier seul. La promesse : « mais de toi je ferai une grande nation » introduit une rupture avec la promesse que Dieu, jadis, avait faite à Abraham.
L’infidélité des Hébreux vient fragiliser l’alliance initiale. Moïse commence par persuader Dieu, avec douceur, mais aussi avec fermeté, de ne pas détruire son peuple : il rappelle à Dieu ses promesses. C’est une prière d’intercession. Il prend la défense non seulement du peuple mais encore des droits et de la réputation de Dieu. L’alliance établie par la promesse initiale est définitive. « Moïse dit au Seigneur : Les Égyptiens ont appris que c’est ta puissance qui a fait monter ce peuple de chez eux, et ils l’ont dit aux habitants de ce pays ; ceux-ci ont appris que toi, le Seigneur, tu es au milieu de ce peuple ; que c’est toi, le Seigneur, qui te montres à eux les yeux dans les yeux ; ta nuée se tient au-dessus d’eux ; toi-même, tu les précèdes le jour dans une colonne de nuée, la nuit dans une colonne de feu. Et tu ferais mourir ce peuple comme un
seul homme ! Alors les peuples qui ont appris ta renommée diraient : “Le Seigneur n’était pas capable de faire entrer ce peuple dans le pays qu’il leur avait promis ; voilà pourquoi il les a massacrés dans le désert.” Dès lors, que la puissance de mon Seigneur se déploie ! Puisque tu as parlé en ces termes :
“Je suis le Seigneur, lent à la colère et plein de bonté fidèle, qui supporte la faute et la révolte, mais sans rien laisser passer, et qui poursuis la faute des pères chez les fils sur trois et quatre générations”, pardonne donc la faute de ce peuple autant que le commande la grandeur de ton amour et comme tu as
supporté ce peuple depuis l’Égypte jusqu’ici. » Le Seigneur répondit : « Je pardonne comme tu le demandes » (Nb 14,13-20.)
Ce dialogue entre Moïse et Dieu montre qu’il y a plus de puissance et plus de gloire, à pardonner qu’à détruire, à se solidariser qu’à se désolidariser. La puissance du Seigneur déploie une justice nouvelle qui relève de la miséricorde.
Elle rend possible la solidarité entre Dieu infiniment saint et les hommes si faibles. Le peuple est sauf ; le Seigneur se grandit aux yeux des hommes, ce qui valide à la fois la promesse et l’identité même de Dieu, lent à la colère et plein de bonté ; cette identité divine rayonne hors d’Israël : elle se manifeste devant les nations pour qu’elles disent : vraiment, le Seigneur est puissant, le Seigneur tient ses promesses, il a déployé sa puissance dans la force de son pardon.
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