Extraits du sermon de Bossuet sur l’éminente dignité des pauvres
Nous devons à Bossuet un sermon célèbre sur l’éminente dignité des pauvres1 En voici quelques extraits.
« Parce qu’on méprise leur condition, il (Dieu) relève leur dignité ; parce qu’on croit ne leur rien devoir, il impose la nécessité de les soulager ; et afin de nous y engager par notre intérêt, il ordonne que les aumônes nous soient une source infinie de grâces. (…)
Cette ville (construite par le Christ), c’est la sainte Eglise ; et si vous me demandez, Chrétiens, pourquoi je l’appelle la ville des pauvres, je vous en dirai la raison par cette proposition que j’avance : que l’Eglise, dans son premier plan, n’a été bâtie que pour les pauvres, et qu’ils sont les véritables citoyens de cette bienheureuse cité que l’Écriture a nommée la cité de Dieu. (…)
Et n’est-ce pas pour cela, mes frères, que ce même Dieu humilié, voulant, dit-il, remplir sa maison (Lc 14,23), ordonne à ses serviteurs de lui aller chercher tous les misérables ? Voyez comme il en fait lui-même le dénombrement : Allez-vous-en, dit-il, dans les coins des rues, et amenez-moi promptement, qui ? Les pauvres et les infirmes ; qui encore ? Les aveugles et les impotents. (Lc 14,21).2 (…)
C’est de quoi il prétend remplir sa maison : il n’y veut rien voir qui ne soit faible, parce qu’il n’y veut rien voir qui n’y porte son caractère, c’est-à-dire la croix et l’infirmité3… C’est pourquoi le divin psalmiste les appelle les pauvres de Dieu (Ps 72,2). »
En effet, n’est-ce pas à eux qu’a été envoyé le Sauveur ? « Dieu m’a envoyé, nous dit-il, pour annoncer l’Evangile aux pauvres » (Lc 4,18). Ensuite, n’est-ce pas aux pauvres qu’il adresse la parole, lorsque, faisant son premier sermon sur cette montagne mystérieuse, où ne daignant parler aux riches sinon pour foudroyer leur orgueil, il porte la parole aux pauvres comme à ceux qu’il devait évangéliser ? « Ô pauvres, que vous êtes heureux, parce qu’à vous appartient le royaume de Dieu !4 » (Lc 6,20)
- Bossuet, Sermons et oraisons funèbres, éditions du Seuil, 1997, p. 19-20. ↵
- Bossuet, op. cit. p. 19. ↵
- Plus loin dans le même sermon, il revient sur cet argument en disant : « La couronne de notre monarque est une couronne d’épines : l’éclat qui en rejaillit, ce sont les afflictions et les souffrances. C’est dans les pauvres, c’est dans ceux qui souffrent, que réside la majesté de ce royaume spirituel. Jésus étant lui-même pauvre et indigent, il était de bienséance qu’il liât société avec ses semblables, et qu’il répandît ses faveurs sur ses compagnons de fortune. » ibid. p. 31. ↵
- Ibid. p. 24. ↵
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