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Fragilité et commerce équitable : pari réussi d’un torréfacteur breton

01 septembre 2018 Paroles de dirigeants
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Rencontre avec Franck Delalande, membre de l’équipe EDC Saint-Brieuc-Sainte-Thérèse et directeur général de Lobodis. Cette entreprise de torréfaction de café bretonne est l’une des premières à avoir misé sur le commerce équitable avec les petits producteurs, mais également sur les travailleurs en situation de handicap.

A quelques jours de son départ de l’entreprise, c’est avec des étincelles plein les yeux et une certaine fierté que Franck Delalande fait visiter l’usine, « enfin “l’atelier” comme on préfère dire ici!». Lobodis, torréfacteur depuis une trentaine d’années en Bretagne, n’est en effet pas une entreprise comme les autres. Dès son entrée, Franck Delalande fait le tour des postes de la salle d’emballage des paquets de café pour serrer des mains et faire la bise aux employés, qu’il connaît chacun par leur prénom. Et le rituel est le même pour les visiteurs, parfois un peu surpris. Ici, depuis le début, une grande partie des salariés est issue du centre d’aide par le travail (CAT) de Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), à une trentaine de kilomètres de Rennes, qui permet à 82 personnes en situation de handicap d’avoir un emploi rémunéré adapté à leur situation. « Nous sommes dans une usine à organisation inversée, explique Franck Delalande. Ce ne sont pas les personnes qui s’adaptent à nos processus, ce sont nos processus qui s’adaptent au rythme des personnes. Nous ne sommes pas là pour gagner plus ou aller plus vite, mais pour trouver une solution afin de rendre possible l’activité pour chaque personne et en prendre soin. »

Le handicap, une force pour l’entreprise

Ce Bordelais d’origine est arrivé chez Lobodis en 2006, après avoir fait toute sa carrière dans le monde du café, principalement en tant que négociant. « Jusqu’alors, j’importais du café, mais cela consistait à téléphoner,à négocier et à étudier des flux financiers… Quand je suis arrivé à Lobodis, j’ai redécouvert le monde du réel. Cette matière première avec laquelle je travaillais prenait une réalité différente. On achetait du café, on le transformait pour le vendre à des clients. » Lorsqu’il accepte d’intégrer l’entreprise bretonne, Franck Delalande en connaît déjà le fondateur, c’est le premier torréfacteur en France à s’être engagé dans la démarche du commerce équitable avec Max Havelaar, pour garantir une juste rémunération aux petits producteurs, puis le label biologique.

 

« Le marché du café est très concurrentiel et, face aux grandes marques, nous ne pesons pas lourds. Dès l’origine, on a compris que la seule façon pour s’en sortir était de faire différemment des autres et de valoriser cette différence », poursuit le directeur : travailler et vendre des cafés de pure origine, en s’engageant dans une démarche solidaire et juste. Mais lorsqu’il débarque dans cette entreprise éthique, une crise frappe de plein fouet Lobodis, avec une forte baisse de ses ventes. En cause, la permission de labelliser « Fairtrade Max-Havelaar » le café distribué dans les grandes enseignes sous leur propre marque. Une concurrence difficile pour Lobodis qui revendique son engagement total et, notamment, un accompagnement sur le terrain des petits producteurs.

 

« Quand je suis arrivé, j’ai pensé que l’entreprise ne survivrait pas à ces difficultés, avoue Franck Delalande. Nous avons cherché des soutiens, quelques entreprises étaient intéressées, mais je voulais que perdure l’esprit de Lobodis, sa façon de travailler avec le CAT me paraissait essentielle. » L’entreprise bretonne a transformé son directeur en quelques mois : « Aujourd’hui, je porte un regard d’admiration sur le handicap, ce que je ne faisais pas naturellement. Ce n’est pas toujours simple de travailler avec des personnes en situation de handicap. Je me suis rendu compte que c’était une force, mais aussi, à la clé, beaucoup de joie, un véritable émerveillement ! »

La différence valorisée

Et cela apporte beaucoup à l’entreprise, précise Franck Delalande : « Je ne travaille pas directement dans l’atelier, mais quand je viens ici, c’est un véritable bain de jouvence ! Les personnes handicapées n’ont pas les mêmes barrières sociales et psychologiques que les autres salariés. Avec eux, tout est simple et plus vrai. Cela vous fait prendre conscience que ce que vous faites a du sens ! » Cet émerveillement est l’une des forces de l’entreprise et peut renverser des montagnes. C’est le cas, par exemple, avec ce fournisseur de papier pour fabriquer les dosettes. « Nous lui avons demandé d’avoir la même qualité de papier que ses autres clients, au premier rang desquels Senseo, le leader mondial, mais il nous a fait comprendre que nos volumes ne permettaient pas d’avoir cette prétention. »

 

Pourtant, le directeur général de cette grande entreprise, ayant une résidence secondaire dans la région, est passé un jour pour visiter l’usine. « Il est ressorti de là bouleversé. Il a vu ce que représentait Lobodis, et nous a promis de trouver une solution. Ce qu’il a fait ! A chaque fois qu’un distributeur ou qu’un fournisseur vient visiter l’usine, c’est une victoire pour nous, leur regard change. Ils comprennent la philosophie de Lobodis, où dire que la personne humaine est au centre n’est pas qu’un slogan. » L’émerveillement est aussi communicatif dans l’entreprise. Il est moteur et apporte énormément de fierté : «Que ce soit pour les salariés handicapés ou ceux dits “normaux”, il y a une réelle fierté et une cohésion dans les équipes. Nous savons pourquoi nous travaillons : pour le “bien” de chacun, du producteur partenaire au consommateur à qui nous proposons des produits de qualité, en passant par les salariés qui s’épanouissent dans le travail malgré, parfois, la fragilité du handicap. »

 

Article issu de la revue Dirigeants chrétiens de septembre - octobre 2018




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