À l’occasion du Bureau National du 24 mai dernier, l’IA a fait l’objet d’interventions passionnantes. Animée par Karine Forêt, la table ronde a fait intervenir Laetitia Pouliquen (NB1C Ethics) et Etienne de Rocquigny (Dirigeant & auteur). Après un tour d’horizon de Laetitia Pouliquen sur les organisations impliquées dans la législation et l’éthique, Etienne de Rocquigny a partagé son analyse sur l’IA. L'équipe communication des EDC était là et vous propose sa synthèse des échanges.
Redéfinir l’IA
Pour commencer, on peut considérer le nom et la rhétorique autour de « l’Intelligence Artificielle » comme une construction marketing destinée à fasciner…et à produire des investissements massifs. Le terme est erroné car l’IA n’ayant pas d’état de conscience, ne peut pas être considéré comme une intelligence. Il s’agit plutôt « d’une automatisation apprenante ». Au contraire de la personne humaine qui, elle, se singularise par son intelligence mais aussi et surtout par sa liberté, sa capacité relationnelle, son cœur, sa connaissance de ce qui est juste.
La responsabilité des chrétiens face à l’IA
L’IA entre Genèse et Apocalypse ?
Comme nous l’enseigne la parabole des talents : il convient dans le chaos de se référer à un esprit de responsabilité, avec lequel nous devons accueillir le Royaume de Dieu : responsabilité envers Dieu et envers l’humanité.
« La peur de l’IA est donc la mauvaise attitude… » même si on peut admettre que « ses algorithmes apprenants sont un outil de manipulation émotive à grande échelle » !
Une curiosité positive s’impose devant l’IA qui recèle aussi un potentiel de subsidiarité, d’innovation, d’audace.
Il s’agit donc de dépasser la peur mais aussi la tentation diabolique dans la quête de l’intelligence, cette volonté de toute puissance qui mène à l’enfer dans l’épisode biblique du péché originel : nous sommes invités à « passer de la volonté de puissance à l’ambition de service » avec l’IA, « à être le bon serviteur », en suivant les commandements de saint Matthieu.
Mais comment passer de l’exaltation incontrôlée d’une quête prométhéenne à l’ambition de service ? Par le discernement. Le discernement et le libre arbitre de l’Homme qui vont lui permettre de se resituer par rapport à l’IA, de mettre les limites pour éviter l’asservissement, rester maître.
Oui l’IA peut-être au service du bien commun, au service sans asservir la personne humaine… et l’entrepreneur doit y contribuer…mais pas n’importe comment : gare au fantasme de la société débarrassée du travail par les machines : le travail est et reste constitutif de la personne humaine et de la création. L’IA doit précisément éliminer les « bullshit jobs » dont on ne perçoit pas la finalité et ainsi accroître la participation, en associant les salariés à la finalité, à la raison d’être.
Concrètement que doit faire un entrepreneur et dirigeant chrétien aujourd’hui ?
Ne pas perdre de temps : Seulement 11% des entreprises européennes ont adopté l’IA (l’objectif est de 75%) utilisée beaucoup plus largement par le monde économique en Chine et aux Etats Unis. l’Europe est en train d’accélérer les investissements, et de réguler pour le citoyen et le consommateur ; les entrepreneurs doivent sauter dans le train !
Chaque entrepreneur va devoir se former et former ses collaborateurs à l’IA dans son domaine d’activité. Apprendre à être curieux en développant son esprit critique pour utiliser l’IA au service de la personne humaine.
En privilégiant des initiatives qui utilisent l’IA pour favoriser la dignité humaine (plutôt que l’écologie intégrale) le défi le plus légitime pour les chrétiens.
Être vigilant par rapport à la préférence au plus pauvre : Chaque chef d’entreprise chrétien doit concrètement commencer par ajuster les algorithmes de son activité principale (de son « core business ») pour servir ses clients sans asservir : en fonction de ce qu’il ou elle définit comme « son pauvre », dans le cadre de son activité. Oui, l’IA peut écouter les faibles, réintégrer les pauvres.
Témoigner ! la voix des EDC sur l’IA doit consister à rendre compte de nos expériences d’entrepreneurs chrétiens qui mettent l’IA au service du bien commun dans leur entreprise. Elles existent !
Être entrepreneur du bien commun avec l’IA ? Ils l’ont fait :
L’IA nous interroge sur notre mission, nous provoque. Elle doit nous permettre d’aller à la rencontre du christ et d’en témoigner. Etienne de Rocquigny cite l’exemple d’un entrepreneur qui a monté un fonds d’impact pour l’extrême pauvreté – soit 4 milliards de personnes- à l’aide de l’IA.
Il est désormais possible de « passer du plus au mieux » également dans les pratiques commerciales comme « stimuler le besoin des foyers en laissant chacun libre de définir l’interaction qu’il souhaite avec les fabricants… ».
L’IA peut aussi aider à résoudre des problèmes énergétiques et faire progresser la décarbonation.
Les chrétiens dans les institutions internationales : une note d’espoir
Le Vatican et des organisations musulmanes estiment que Dieu a permis l’existence de l’IA pour que la personne humaine puisse en faire un outil qui serve la création, le Royaume.
Le législatif et les experts consultés par les institutions internationales sont en train de "prendre de la hauteur" en 2024, en permettant aux représentants des communautés religieuses d’intervenir parmi les experts en charge du cadrage éthique dans les organismes européens.
Un modèle de justice et de vérité s’impose avec l’IA générative open source notamment pour éviter la censure de l’information, les fake news par exemple.
Les représentants du monde chrétien participent désormais aux consultations des organisations en charge des pare-feu éthiques qui doivent prévenir toutes les dérives : discrimination à l’embauche, manque de transparence sur la nature du contact avec lequel on interagit (Homme ou machine) données collectées illégalement notamment santé/fiscales, non-respect du droit d’auteur …car « L’IA est le moteur mais les données sont le carburant ».
Retrouvez le dossier "Diriger à l'ère de l'IA" et l'interview d'Etienne de Rocquigny page 11 de la revue Dirigeants Chrétiens.