Témoignage d’Isabelle Lescanne (Nutriset) aux Matins des EDC
Le 4 mars 2020, les Matins des EDC accueillaient Isabelle Lescanne, actionnaire et administratrice du groupe familial Nutriset, pionnier de l’Entreprise à Objet Social Étendu (SOSE).
Que signifie « une vision incarnée de la mission de l’entreprise » ? C’était le thème de cette matinale.
Depuis près de 35 ans, Nutriset est 100% dédiée à la recherche, la production et la mise à disposition de solutions nutritionnelles allant du traitement à la prévention de la malnutrition pour les populations vulnérables. L’objectif de cette entreprise familiale basée en France (Normandie), et qui a développé un réseau de producteurs dans les pays souffrant de malnutrition, est de fournir aux populations sensibles et aux acteurs humanitaires des produits nutritionnels efficaces. Nutriset, qui réalise un Chiffre d’affaires de l’ordre de 114M€ et embauche 204 salariés, a développé un modèle d’entreprise responsable et tient une place à part dans le monde de l’aide humanitaire.
Devant un comité restreint d’une quarantaine de personnes, Isabelle Lescanne a abordé la question de l’innovation dans la gouvernance, de « l’objet social étendu » et des engagements que cela implique.
C’est un des piliers de la loi Pacte. Parmi Les caractéristiques qui ont fait la force de l’entreprise il y a d’abord un objectif clair et constant celui de nourrir les enfants, ensuite il y a aussi une certaine indépendance financière qui nous a permis une autonomie de gouvernance et qui a rendu possible la mise en action de stratégie de long terme.
Cette vision long terme a amené le sujet de « l’objet social étendu » qui précède la « raison d’être ». Pour les actionnaires de Nutriset cela répondait à une problématique de pérennité de l’entreprise. Michel Lescanne, Président et fondateur du Groupe Nutriset, est un visionnaire, il suit ses convictions. Il s’est très tôt posé la question « comment créer les conditions pour que l’entreprise poursuive son mandat dans le long terme, ? ».
L’équipe de direction a trouvé une proposition de réponse auprès du centre de gestion scientifique de l’Ecole des Mines avec qui elle était déjà en contact sur des thématiques d’innovation. Ainsi l’école avait tracé les lignes d’un projet « d’entreprise à mission » dont un des premiers livrables a été l’ouvrage d’Armand Hatchuel et de Blanche Ségrestin « à qui appartient l’entreprise » ? L’objet social étendu répond à la question « quelle est la finalité de l’entreprise ? ». Si on est capable de formuler ce pour quoi on existe, alors cela guide les dirigeants dans leur prise de décision. En synthèse, définir bien son métier, c’est aussi un moyen de réconcilier les attentes des parties prenantes et constituantes.
Cette démarche a été menée juste avant la transmission du relai à la jeune génération puisque c’est la fille de Michel Lescanne, Adeline Lescanne, qui a repris la direction opérationnelle de la société aux côtés de son père président.
En 2015, les statuts de l’entreprise ont donc été modifiés un objet social étendu a été introduit sous la forme d’un article « bis » de l’objet social, il a également été introduit un article relatif à la constitution d’une commission spéciale. L’objet social étendu vient affirmer le mandat de NUTRISET sous la forme suivante : « apporter des solutions efficaces aux problématiques de nutrition et malnutrition ». Cet OSE exprime le pourquoi, qui est complété par 9 engagements qui d’une certaine façon exprime le « comment ». L’OSE est donc un engagement qui implique l’ensemble du collectif que représente l’entreprise. L’OSE est vécu par les actionnaires comme une façon de s’assurer de bonne cohérence entre les valeurs fondatrices de l’entreprise et la façon dont les dirigeants la conduiront. Ainsi « nous pouvons avoir des changements de dirigeants, avoir un DG hors-famille, etc. mais à partir du moment où notre objet social est ainsi défini de façon statutaire, le cap sera tenu ».
Ci-dessous certains des engagements pris par l’entreprise qui complète l’OSE
1/. « Mettre tout en œuvre pour honorer les besoins des acteurs de l’aide humanitaire et sociale en quantité et qualité, en produits ou services. »
C’est ici le cœur même de notre métier. Nous avons une responsabilité grandissante : nos produits sont innovants et nous sommes les seuls à les fabriquer.
2/ « Développer ses activités en commercialisant des produits et services vecteurs d’améliorations, et particulièrement issus des recherches de la Société menées en propre ou en collaboration ».
Ainsi nous ne nous interdisons pas de commercialiser des solutions élaborées par d’autres. L’important étant l’efficacité et les effets sur la santé et le plaisir des récipiendaires. Nous travaillons aussi sur la malnutrition invisible, celle qui provoque des retards de croissance et de développement cognitif. Et les conséquences de la malnutrition sont les problèmes de diabètes qui se développent à l’âge adulte.
3/ « Entretenir sa culture d’entreprise dont certaines caractéristiques sont : le respect des personnes, le partage, la recherche de la différence, la culture du risque, et du défi, la curiosité pour l’inconnu : pousser, élargir, explorer les savoirs et compétences au-delà de ceux existants dans l’entreprise, la remise en cause comme outil de performance ».
4/ « Travailler avec des systèmes de distribution ne mettant pas en péril les valeurs de l’entreprise ni son indépendance ; »
Sur ce point il fallait notamment faire accepter par l’ensemble des actionnaires les évolutions des modèles de de la grande distribution.
La « commission à l’objet social étendu » est l’outil que nous avons trouvé pour nous assurer du bon respect de cette démarche. Nous avons donc créé une commission, composée d’aucune partie prenante ! pas de collaborateurs, pas d’actionnaire. Les membres ont été choisis pour leur indépendance d’esprit et leurs compétences et leurs valeurs.
La commission, convoquée par les actionnaires, se réunit a minima 1 fois par an avec le Directeur Général. Elle a la charge d’évaluer la performance de l’entreprise au regard de l’OSE et de ses 9 engagements. Nous avons voulu qu’il y ait le plus d’objectivité possible, que la commission remette un rapport aux actionnaires, que tous les débats au sein de la commission soient retranscrits. L’objectif est vraiment d’entendre toutes les idées pour valider que nous sommes bien en ligne avec l’objet social étendu … Cette commission a réellement un pouvoir de questionnement, elle a une liberté de parole extraordinaire.
Notre engagement est au cœur de notre objet même, empreint d’une conviction, dès l’origine de la société. C’est notre maturité d’actionnaires qui nous a permis de prendre nos décisions en toute sérénité. CAMIF a fait aussi une démarche d’Objet Social Etendu, qu’elle a pilotée en collaboration avec ses parties prenantes. L’histoire des 2 entreprises est très différente, et CAMIF voulait construire un projet en stimulant l’adhésion entre collaborateurs, fournisseurs et clients. Nos deux modèles sont différents donc et la vérité est qu’il n’y a pas qu’un seul modèle.
Ce qui est important c’est d’être sincère dans sa démarche ».
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